Je n’ai pas de nom, je crois… ; Le vent emporte la neige qui tombe doucement tel un nappage de crème glacée. La nature s’endort tranquillement sous l’épais manteau blanc que forme chaque flocon tombant, tournoyant et jouant avec le vent. Par la fenêtre, l’image du paysage enneigé donne de lui une apparence fragile et pure, comme ci chaque erreur humaine n’avait jamais existée et pourtant… Et pourtant je sais pertinemment que c’est faux ; au loin, j’entends une mélodie qui résonne parmi les maisons ensevelis sous le blanc de la neige. Je sors de ma demeure. Ce son si doux percute les murs, les arbres et la vie, s’engouffrant au fond de moi : je tressaille. Mais quelle est donc cette musique ? Personne ne le sait ; C’est un secret mystérieux et sucré qui ne doit être révélé. Soudain, ce son me fait trembler de l’intérieur, une atmosphère unique s’empare de mon être ; des souvenirs resurgissent à travers moi aussi vite que l’eau s’écoule d’une fontaine. Mes mains sont jointes devant mon cœur. J’attends. Je me remémore de la terre et de tous ses instants de vies qu’ils soient joyeux ou pénibles. Au milieu de la place, la neige me recouvre à mon tour avec cette infinie douceur inqualifiable. Je n’ai pas froid. Les yeux fermés, j’entrouvre légèrement les lèvres et murmure des paroles incompréhensibles pour l’inconnu qui se tiendrait loin de moi. La douce mélodie me parle au fond de âme ; je déchiffre, je lis et je comprends. Elle me dit : Qu’as-tu fait pour ce monde ? Es-tu aussi égoïstes que tes semblables ? – Je ne peux répondre à ces questions qui me paraissent être des tabous. Oserais-je un jour dire que je voulais me retirer la vie qui me fut donné autrefois quand mes parents s’aimaient encore ? Jamais sans doute. Un tremblement de terre surgit suivant ma pensée et détruit tout autour de moi, toutes habitations, tous monuments, toutes vies ; sauf moi. Je suis seul au beau milieu de ce monde noir, dont seule la neige éclaire encore de ses quelques derniers flocons blancs. Le vent fait virevolter mes cheveux, mon corps se glace sous la température mais je ne ressens aucune douleur, je n’ai toujours pas froid ; la pureté. Mes yeux se réouvrent et je vois l’horreur. Le monde entier n’est plus. Il n’y a plus de logique, ce portrait n’a plus de sens. Je ne peux reconstruire le monde seul, alors je constate avec nostalgie les dégâts. La terre s’est vengée mis à part sur moi, pourquoi donc ? Parce que je n’ai jamais été égoïste et je n’ai jamais fait d’erreurs humaines ? Alors qui suis-je donc ? Me réserve t-on un destin autre que tous les autres ? Tant de questions sans réponses. Je baisse les yeux, le vent me quitte enfin et le dernier flocon atterrit au creux de ma main. Je serre lentement mon poing, mais avec surprise, je m’aperçois que le flocon ne fond pas. C’est ma main qui fond tranquillement, et cela se répand sur tout mon corps, ainsi c’est à mon tour de partir, avant d’avoir pu voir la renaissance de la fleur : ce monde. L’effacement des dernières poussières, on souffle et elles s’éparpillent, s’envolent et disparaissent. Il en est de même pour moi, je disparais. Ma dernière vision est ce monde enneigé dont mes semblables abusaient chaque jour : jouir de leurs loisirs sans qu’ils ne se rendaient compte que la terre hurlait de douleur, ou certains prétendaient faire de bonnes actions sans faire réellement changer les choses ; l’hypocrisie. Leurs sentences à tous fut tombée et son verdict fut la mort, c’était leurs punition, le méritaient-ils ? Femmes, enfants, vieillards… Je ne sais pas, je ne peux en juger. Certains étaient de vrais personnes au cœur noirs, d’autres étaient simplement des victimes. Mais la terre n’épargne personne, sauf moi ou presque. La mort me prend tendrement entre ses bras. Je m’allonge et ferme les yeux. Je souris. Ma mort rendra peut être service au final, et un jour tout recommencera : la vie, l’évolution, l’apocalypse et la fin.. Le monde est une vie à lui tout seul, marqué par des souvenirs, qu’ils soient bons ou mauvais, il a juste atteint sa limite. J’espérais secrètement que notre monde garderait plus de tendres souvenirs que de mauvais. Oui, c’était mon vœux qui me fit rire, mon dernier rire, mon dernier souffle ; Ma mort ne fut pas à plaindre, juste enviable, j’étais mort dans la douceur et la joie d’un monde plongé dans les ténèbres. Et mon nom je m’en souvenais enfin : Roman. Mon corps regagna la terre, j’étais l’une des créations de la nature et il était normal que j’y revienne à la toute fin. Notre espèce était réputée pour être la pire de toutes car nous avions tuée notre tendre Mère : nous n’avions jamais cessé notre crise d’adolescence…

Roman.